Deuil ou dépression : Quelles différences ?

Le fait d'être confronté à la perte au cours de son existence est quelque chose de normal.

Néanmoins, chaque perte n’est pas surmontée de la même manière en fonction des individus. Par contre, elle doit en principe entraîner un travail ou un processus de deuil pour justement aider à la surmonter. Ce processus se réalise par divers comportements tels que : la colère, l’isolement, la douleur….
La perte peut être d’autonomie et elle génère dans ce cas une restriction physique comme l’est la réduction des capacités à pouvoir bouger ou à se déplacer ; la perte peut être psychologique et entraîne dans ce cas la réduction des capacités à prendre soin de soi comme c’est par exemple le cas dans la maladie d’Alzheimer qui provoque l’oubli (de prendre ses médicaments, de se lever, de se laver, de manger….) ; la perte peut également être financière avec mise sous protection juridique (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle) qui limite la gestion financière voire la spolie ; la perte peut être le logement qui va justifier le placement en maison de retraite ou encore, la perte peut être le décès d’un proche, d’un ami, du conjoint… Dans ce dernier cas, nous avons tous tendance à débuter notre travail de deuil de la même manière, à savoir : constater le décès, nettoyer le lieu dans lequel vivait le défunt, ranger ses affaires pour les regrouper dans un endroit précis ou bien pour les donner, choisir le cercueil, la couleur du capitonnage… C’est ce que l’on nomme les « étapes administratives du deuil ».

Il est important de rappeler que le processus de deuil est tout sauf anodin. D’ailleurs, l’étude réalisée par MOSTOFSKY en 2012 est là pour le confirmer. Ce chercheur a montré que le décès du conjoint entraîne chez le survivant, d’autant plus que celui-ci est âgé, un risque d’infarctus du myocarde 21 fois supérieur à la normale et ceci dans les 24 heures qui suivent le décès. Ce risque est consécutif au stress, lui-même majoré par l’élévation de la tension artérielle ainsi qu’une anomalie du rythme cardiaque. En temps normal, tout rentre dans l’ordre dans les 6 mois, mais parfois ce délai est plus long. Dans ce dernier cas, le clinicien commence à évoquer l’hypothèse d’un « deuil complexe persistant ». Celui-ci est objectivé par le Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux (DSM 5) lorsque le patient continue à ressentir une souffrance morale importante pendant au moins les 12 mois qui suivent le décès.

Pour diagnostiquer le « deuil complexe persistant » chez un patient, le clinicien doit relever la présence d’au moins 1 symptôme parmi les 4 suivants : – fort désir ou besoin persistant concernant le défunt ; – peine intense et douleur émotionnelle en réponse à la mort ; – préoccupations à propos du défunt ; – préoccupations à propos des circonstances du décès ;

Et associer au moins 6 symptômes parmi ces 12 : – difficulté marquée à accepter le décès ; – incrédulité ou torpeur émotionnelle à propos de la perte ; – difficultés causées par le rappel de souvenirs positifs concernant le défunt ; – amertume ou colère en lien avec la perte ; – évaluation inadaptée de soi-même par rapport au défunt ou à son décès (auto-accusation) ; – évitement excessif de ce qui rappelle la perte ; – désir de mourir afin d’être avec le défunt ; – difficultés à faire confiance à d’autres individus depuis le décès ; – sentiment de solitude ou d’être détaché des autres depuis le décès ; – sentiment que la vie n’a plus de sens ou est vide de sens sans le défunt, ou la croyance que l’on ne peut pas fonctionner sans le défunt ; – confusion au sujet de son rôle dans la vie, ou sentiment de perte d’une partie de son identité (une part de soi-même est partie avec le défunt) ; – difficulté ou réticence à maintenir des intérêts depuis la perte ou à se projeter dans le futur.

Or, distinguer un « deuil complexe persistant » d’un épisode dépressif majeur n’est pas toujours facile au premier abord, d’autant que des ruminations négatives associées à une tristesse récurrente sont des symptômes couramment observés aussi bien dans le deuil que dans la dépression. Alors, pour diagnostiquer en toute certitude l’un ou l’autre, voici ce qu’en dit le clinicien. Le premier critère diagnostique concerne la fréquence et l’intensité des émotions négatives. Si dans l’épisode dépressif ces dernières persistent jour et nuit, ce n’est pas le cas pour le deuil. Dans le cas du deuil les émotions surviennent par vagues parce qu’elles sont exclusivement reliées aux pensées et aux souvenirs que le patient se forge vis-à-vis du défunt. En plus ces émotions négatives s’estompent avec le temps que ce soit en fréquence et/ou en intensité dans le cas du « deuil complexe et persistant ».

Un autre critère diagnostique permettant au clinicien de distinguer un deuil d’une dépression chez son patient, concerne la perte d’intérêt. On parle aussi d’anhédonie. Dans l’épisode dépressif la perte d’intérêt est massive pour tout ce qui entoure le patient. A contrario dans le cas du deuil, l’intérêt existe, il est seulement concentré sur le défunt.

Il est important de souligner que certains patients endeuillés risquent de faire une dépression. Pour étayer le malade il est indispensable de l’orienter vers un professionnel de santé : psychologue, psychothérapeute ou psychiatre, pour l’aider à surmonter sa souffrance et reprendre un cours de vie normal.
cecile aguesse geronto psychologue portrait

Cécile AGUESSE,
Géronto-psychologue.

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