L’évolution de la maladie d’Alzheimer entraîne une perte de la capacité à pouvoir s’exprimer de manière verbale. Ce phénomène nommé « aphasie » explique que le malade ne trouve plus les mots dans sa mémoire pour lui permettre d’exprimer ses idées, ses pensées, ses ressentis… Progressivement, le langage non verbal finit pas se substituer au langage verbal.
Le toucher, l’odorat, la vue, l’ouie vont passer au premier plan pour pouvoir permettre le maintien du lien entre le patient et ses aidants.
En fin d’évolution on observe chez le malade d’Alzheimer un certain nombre de changements, de modifications autres que la perte du langage. Il s’agit :
– De la perte de la capacité à marcher, à s’assoir, expliquant les déambulations et les chutes à répétition avec le risque d’entraîner des fractures multiples,
– De la perte de la capacité à avaler les aliments, qu’ils soient liquides et/ou solides, avec le risque d’entraîner des fausses routes elles-mêmes risquant de favoriser le décès du malade ou une inflammation du poumon,
– D’une anorexie c’est-à-dire un désintérêt pour tout ce qui est alimentaire, avec le risque d’entraîner une perte de poids et des forces,
– D’une amimie c’est-à-dire d’une perte d’expression des émotions sur le visage,
– De la perte de la capacité à respecter les rythmes veille-sommeil, ce qui risque d’entraîner progressivement une inversion des rythmes en termes d’hypo ou d’hypersomnie,
– D’une douleur d’installation progressive voire brutale qui risque de n’être pas prise en considération ou insuffisamment prise en charge.
Alors, afin d’accompagner au plus près ce patient Alzheimer douloureux qui n’est plus en mesure de s’exprimer verbalement durant les derniers mois de sa vie il devient essentiel de savoir s’entourer et de collaborer avec une équipe pluridisciplinaire qui peut être constituée par :
– Le médecin de famille,
– L’infirmière,
– Un voire plusieurs travailleurs sociaux (assistante-sociale, psychologue, bref les accompagnants nommés « soins de support »),
– Un kinésithérapeute, ergothérapeute,
– Une auxiliaire de vie au domicile,
– Une association de portage de repas au domicile…
Et d’être en lien avec une structure d’accueil et de répit de type SMR afin de « souffler un peu » lorsque l’on est accompagnant d’un proche malade au domicile ou EHPAD lorsque le soin au domicile est extrêmement perturbateur.
C’est cette pluridisciplinarité qui permettra d’assurer la meilleure qualité de prise en charge de la douleur du patient souffrant de maladie d’Alzheimer lorsqu’il est en fin de vie.
Prenons l’exemple de la prise en charge de la douleur physique. Les professionnels de santé utilisent l’échelle de douleur d’ABBEY qui est constituée de 6 items : vocalisation, expression faciale, changement dans le langage corporel, changement de comportement, changement physiologique et changements physiques.
Chaque item donne lieu à une graduation : absent = 0 ; légère = 1 ; modérée = 2 ; sévère = 3. L’addition de ces graduations pour chacun des items donne lieu à son tour à un score global de la douleur :
– 0 et 2 points = aucune douleur,
– 3 et 7 points = douleur légère,
– 8 et 13 points = douleur modérée,
– 14 et + = douleur sévère.
Ce type d’échelle, simple d’utilisation peut être communiqué à l’aidant afin qu’il puisse transmettre rapidement à l’équipe pluridisciplinaire qui intervient à son domicile une information tout à fait objective quant à la douleur ressentie par le patient lorsque ce dernier est aphasique.
Pour votre information, sachez que le médecin de famille prescrira plus volontiers des opioïdes (comme l’est la morphine par exemple) afin de soulager une douleur dont le score à l’échelle de douleur d’ABBEY est inclus dans une fourchette qui s’étend entre 8-14 points et plus. A cette prescription seront associés des traitements anxiolytiques et antipsychotiques pour garantir une fin de vie confortable.
Au cours des derniers moments de la vie il est intéressant de rappeler que l’accompagnement non verbal de l’aidant vis-à-vis du patient, procure toujours du réconfort à ce dernier. Ainsi, est-il essentiel de privilégier les attitudes suivantes :
– Le toucher : en tenant la main, en massant les pieds et les mains, en aidant à changer de posture pour soulager la pression qui peut s’exercer sur diverses parties du corps,
– L’ouie : en écoutant de la musique que le malade aimait,
– L’olfaction : en lui faisant sentir des essences, parfums que le malade appréciait,
– Le verbal : en continuant à lui parler doucement et calmement, de manière apaisante, en lui lisant un livre, un article de journal, en sollicitant le passé pour l’aider éventuellement à se souvenir,
– Le visuel : en tamisant la lumière afin que le patient ne soit pas ébloui.
Malgré la nature évolutive de la maladie d’Alzheimer il est toujours possible d’accompagner le patient de manière confortable jusqu’au bout de la vie et ce quels que soient les changements que la maladie occasionne.
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